Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/442

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inépuisable, une complaisance empressée, ingénieuse, active, une droiture et une générosité d’instincts à toute épreuve, un caractère comme on n’en rencontre pas trois dans la vie pour l’unité, l’égalité, la sûreté. Cette personne-là a toujours vécu loin de moi depuis, nous ne nous sommes presque pas écrit. Elle n’était pas écriveuse, comme nous disions au couvent : nous ne nous sommes pas revues. Elle s’est mariée avec un homme très estimable, M. le Franc de Pompignan, mais dont la religion politique et sociale doit être tout l’opposé de la mienne. Elle doit donc vivre dans un milieu où je suis considérée très probablement comme un suppôt de l’Antechrist[1]. Mais en dépit de tout cela, il y a une chose dont je suis aussi assurée que de ma propre existence, c’est que Fanelly m’aime toujours tendrement et ardemment, c’est qu’aucun nuage n’a passé sur cette irrésistible et complète sympathie que nous avons éprouvée l’une pour l’autre, il y a trente ans, c’est qu’elle ne pense jamais à moi sans se dire qu’elle m’aime et sans

  1. Ce n’est pas une raison pour omettre de rappeler la belle action qui s’est passée depuis que ces lignes sont écrites. Sous-préfet à Nérac, M. de Pompignan est descendu dans un puits méphitique où personne n’osait se risquer, pour en retirer de pauvres ouvriers asphyxiés. Parvenu au but de ses efforts, M. de Pompignan, qui par deux fois déjà s’était évanoui, replongeant toujours avec un nouveau courage, faillit payer de sa vie l’admirable dévoûment de son cœur.