Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/450

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elle était peut-être plus sentimentale que tendre.

Mon année, presque mes dix-huit ans de diablerie s’écoulèrent comme un jour et sans que j’en eusse pour ainsi dire conscience. Sophie et Anna prétendaient s’ennuyer mortellement au couvent, et que ce fût un genre ou une réalité, toutes mes compagnes disaient la même chose. Il n’y avait que les dévotes qui se fussent interdit la plainte, et elles n’en paraissaient pas plus gaies. Tous ces enfans avaient été apparemment bien heureux dans leurs familles. Celles qui, comme Anna, n’avaient pas de famille, et dont les jours de sortie n’étaient rien moins que gais, rêvaient un monde de plaisir, de bals, de délices, de voyages, que sais-je ! tout ce qui était la liberté et l’absence d’occupations réglées. La claustration et la règle sont apparemment ce qu’il y a de plus antipathique à l’adolescence.

Pour moi, si je souffris physiquement de la claustration, je ne m’en aperçus pas au moral ; mon imagination ne devançait pas les années, et l’avenir me faisait plus de peur que d’envie. Je n’ai jamais aimé à regarder devant moi. L’inconnu m’effraie, j’aime mieux le passé qui m’attriste. Le présent est toujours une sorte de compromis entre ce que l’on a désiré et ce que l’on a obtenu. Tel qu’il est, on l’accepte ou on le subit, on sait qu’on a déjà subi ou accepté beaucoup de choses, mais que sait-on de ce qu’on pourra subir ou