Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/454

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monde, comme de lancer au plafond la croûte d’une tarte aux confitures et de la voir s’y coller avec grâce, de cacher des os de poulets au fond d’un piano, de semer des pelures de fruit dans les escaliers sombres pour faire tomber les personnes graves. Tout cela paraissait énormément spirituel, et l’on se grisait à force de rire : car en fait de boisson nous n’avions que de l’eau ou de limonade.

La recherche de la victime était poursuivie avec ardeur, et j’aurais à raconter bien des déceptions qu’elle nous causa. Mais j’ai déjà raconté trop d’enfantillages, et, je le crains, avec trop de complaisance.

Je ne voudrais pourtant pas avoir oublié que mon but, en retraçant mes souvenirs, est d’intéresser mon lecteur au souvenir de sa propre vie. Déchirerai-je les pages qui précèdent comme puériles et sans utilité ? Non ! La gaîté, l’espièglerie même de l’adolescence, toujours mêlées d’une certaine poésie ou d’une grande activité d’imagination, sont une phase de notre existence que nous ne retraçons jamais sans nous sentir redevenir meilleurs, quand l’âge a passé sur nos têtes. L’adolescence est un âge de candeur, de courage et de dévouement souvent déraisonnable, toujours sincère et spontané. Ce que l’âge nous fait acquérir d’expérience et de jugement est au détriment de cette ingénuité première, qui ferait de nous des êtres parfaits si nous la