Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/456

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la chasteté. On nous défendait de nous promener deux à deux, il fallait être au moins trois ; on nous défendait de nous embrasser ; on s’inquiétait de nos correspondances innocentes, et tout cela nous eût donné à penser si nous eussions eu en nous-mêmes seulement le germe des mauvais instincts qu’on nous supposait apparemment. Je sais que j’en eusse été fort blessée, pour ma part, si j’eusse compris le motif de ces prescriptions bizarres. Mais la plupart d’entre nous, élevées simplement et chastement dans leurs familles, n’attribuaient ce système de réserve excessive qu’à l’esprit de dévotion qui restreint l’élan des affections humaines en vue d’un amour exclusif pour le Créateur.

Je commençais donc à écrire, et mon premier essai, comme celui de tous les jeunes cerveaux, prit la forme de l’alexandrin. Je connaissais les règles de la versification, et j’y avais toujours fait, contre Deschartres, une opposition obstinée. J’avais parfaitement tort. Il n’y a pas de milieu entre la prose libre et le vers régulier. Je prétendais trouver un terme moyen, rimer de la prose et conserver une sorte de rhythme, sans me soucier de la rime et de la césure. Enfin, je prenais mes aises, prétendant que la règle était trop rigoureuse et gênait l’élan de la pensée. Je fis ainsi beaucoup de prétendus vers qui eurent grand succès au couvent, où l’on n’était pas difficile, il faut l’avouer. Ensuite il me prit