Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/481

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

gémir et pleurer : elle chercha, non sans frayeur, et vint à moi sans me reconnaître, sans que je la reconnusse moi-même sous son voile et dans les ténèbres. Je me levai vite, et sortis sans songer à la regarder ni à lui parler. Je remontai à tâtons dans ma cellule ; c’était un voyage. La maison était si bien agencée en corridors et en escaliers, que, pour aller de l’église à cette cellule, qui touchait à l’église même, il me fallait faire des détours et des circuits qui prenaient au moins cinq minutes en grimpant vite. Le dernier escalier tournant, quoique assez large et peu rapide, était si déjeté qu’il était impossible de le franchir sans précaution et sans bien se tenir à la corde qui servait de rampe : à la descente, il vous précipitait en avant malgré qu’on en eût.

On avait fait la prière sans moi à la classe : mais j’avais mieux prié que personne ce jour-là. Je m’endormis brisée de fatigue, mais dans un état de béatitude indicible. Le lendemain, la comtesse qui, par hasard, avait remarqué mon absence de la prière, me demanda où j’avais passé la soirée. Je n’étais pas menteuse, et lui répondis sans hésiter : « À l’église. » Elle me regarda d’un air de doute, vit que je disais vrai et garda le silence. Je ne fus point punie ; je ne sais quelles réflexions cette bizarrerie de ma part lui suggéra.

Je ne cherchai pas Mme Alicia pour lui ouvrir mon cœur. Je ne fis aucune déclaration à mes amies les diables. Je ne me sentais pas pressée