Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/511

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« Ô sainte Hélène, me disais-je en la quittant, vous avez raison, vous êtes dans le vrai, vous ! vous êtes d’accord avec vous-même. Oui ! quand on aime Dieu de toutes ses forces, quand on le préfère à toutes choses, on ne s’endort point en chemin ; on n’attend pas ses ordres, on les prévient ; on court au-devant des sacrifices. Oui ! vous m’avez embrasée du feu de votre amour, et vous m’avez montré la voie. Je serai religieuse ; ce sera le désespoir de mes parens, le mien par conséquent. Il faut ce désespoir-là pour avoir le droit de dire à Dieu : « Je t’aime, je serai religieuse et non pas dame de chœur, vivant dans une simplicité recherchée et dans une béate oisiveté. Je serai sœur converse, servante écrasée de fatigue, balayeuse de tombeaux, porteuse d’immondices ; tout ce qu’on voudra, pourvu que je sois oubliée après avoir été maudite par les miens ; pourvu que, dévorant l’amertume de l’immolation, je n’aie que Dieu pour témoin de mon supplice et que son amour pour ma récompense. »

Je ne tardai pas à confier à Marie Alicia mon projet d’entrer en religion. Elle n’en fut point enivrée. La digne et raisonnable femme me dit en souriant : « Si cette idée vous est douce, nourrissez-la, mais ne la prenez pas trop au sérieux. Il faut être plus fort que vous ne pensez pour mettre à exécution une chose difficile. Votre mère n’y consentira pas volontiers, votre grand’-