Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/514

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quelquefois pour toute la vie sur des consciences timorées, et qu’on ne viole pas, quelque non recevable qu’ils aient été devant Dieu, sans porter une grave atteinte à la dignité et à la santé de l’âme.

Cependant je ne me défendais pas de l’enthousiasme de sœur Hélène ; je la voyais tous les jours, j’épiais l’occasion et le moyen de l’aider dans ses rudes travaux, consacrant mes récréations de la journée à les partager, et celles du soir à lui donner des leçons de français dans sa cellule. Elle avait, je l’ai dit, fort peu d’intelligence et savait à peine écrire. Je lui appris plus d’anglais que de français, car je m’aperçus bientôt que c’était par l’anglais que nous eussions dû commencer. Nos leçons ne duraient guère qu’une demi-heure. Elle se fatiguait vite. Cette tête si forte avait plus de volonté que de puissance.

Nous avions donc une demi-heure pour causer, et j’aimais son entretien, qui était pourtant celui d’un enfant. Elle ne savait rien, elle ne désirait rien savoir hors du cercle étroit où sa vie s’était renfermée. Elle avait le profond mépris de toute science étrangère à la vie pratique qui caractérise le paysan. Elle parlait mal à froid, ne trouvait pas de mots à son usage, et ne pouvait pas enchaîner ses idées ; mais quand l’enthousiasme revenait, elle avait des élans d’une profondeur étrange dans leur concision enfantine.

Elle ne doutait pas de ma vocati