Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/534

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hâtâmes de cueillir pour nous les partager, la douleur profonde et résignée des religieuses, tout sembla donner un caractère de sainteté et comme un charme secret à cette mort sereine, à cette séparation d’un jour, comme disait la bonne et courageuse Poulette.

Mais j’avais été violemment troublée par une circonstance incompréhensible pour moi. Nous avions appris la mort de la mère Alippe le matin en sortant de nos cellules. On s’abordait tristement, on pleurait, on était triste, mais calme, car dès la veille la digne créature était condamnée et était entrée dans son agonie. On nous avait caché cette lutte suprême, mais sans nous laisser d’espoir. Par un sentiment de respect pour le repos de l’enfance, ces tristes heures s’étaient écoulées sans bruit. Nous n’avions entendu ni son de cloche ni prières des agonisans. Le lugubre appareil de la mort nous avait été voilé. Nous nous mîmes en prières. C’était par une matinée froide et brumeuse. Un jour terne se glissait sur nos têtes inclinées. Tout à coup, au milieu de l’Ave Maria, un cri déchirant, horrible, part du milieu de nous : tout le monde se lève épouvanté. Elisa seule ne se lève pas ; elle tombe par terre et se roule, en proie à des convulsions terribles.

Par un effort de sa volonté, elle fut debout pour aller entendre la messe, mais elle y fut reprise des mêmes crises nerveuses, et obligée de sortir. Toute la journée, elle fut