Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/55

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

sublime ou égoïsme farouche, le plus grand des biens, le plus grand des maux, suivant la nature de l’âme qu’il remplit et possède. N’y aurait-il pas un catéchisme à faire pour rectifier les excès de l’amour, car l’amour est excessif de sa nature, et il l’est souvent d’autant plus qu’il est plus chaste et plus sacré. Souvent les mères rendent leurs enfans malheureux à force de les aimer, impies à force de les vouloir religieux, téméraires à force de les vouloir prudens, ingrats à force de les vouloir tendres et reconnaissans. Et la jalousie conjugale ! où sont ses limites permises d’atteindre, défendues de dépasser ? Les uns prétendent qu’il n’y a pas d’amour sans jalousie, d’autres que le véritable amour ne connaît pas le soupçon et la méfiance. Où est, sous ce rapport, la règle de conscience qui devrait nous enseigner à nous observer, à nous guérir nous-mêmes, à nous ranimer quand notre enthousiasme s’éteint, à le réprimer quand il s’emporte au delà du possible ? Cette règle, l’homme ne l’a pas encore trouvée ; voilà pourquoi je dis que nous vivons comme des aveugles, et que si les poètes ont mis un bandeau sur les yeux de l’amour, les philosophes n’ont pas su le lui ôter. »

Ainsi parlait mon ami, et il mettait le doigt sur mes plaies ; car, toute ma vie, j’ai été le jouet des passions d’autrui, par conséquent leur victime. Pour ne parler que du commencement de ma vie, ma mère et ma grand’mère, avides