Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/564

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violon, un bal, un souper, et toute la nuit pour nous divertir à discrétion.

Mais un événement politique qui devait naturellement retentir comme une calamité publique dans un couvent vint faire rentrer les costumes au magasin et la gaîté dans les cœurs.

Le duc de Berry fut assassiné à la porte de l’Opéra par Louvel. Crime isolé, fantasque comme tous les actes de délire sanguinaire, et qui servit de prétexte à des persécutions, ainsi qu’à un revirement subit dans l’esprit du règne de Louis XVIII.

Cette nouvelle nous fut apportée le lendemain matin, et commentée par nos religieuses d’une manière saisissante et dramatique. Pendant huit jours, on ne s’entretint pas d’autre chose, et les moindres détails de la mort chrétienne du prince, le désespoir de sa femme, qui coupa, disait-on, ses blonds cheveux sur sa tombe ; toutes les circonstances de cette tragédie royale et domestique, rapportées, embellies, amplifiées et poétisées par les journaux royalistes et les lettres particulières, défrayèrent nos récréations de soupirs et de larmes. Presque toutes nous appartenions à des familles nobles, royalistes ou bonapartistes ralliées. Les Anglaises, qui étaient en majorité, prenaient part au deuil royal par principe, et d’ailleurs le récit d’une mort tragique, et les larmes d’une illustre famille étaient émouvans pour nos jeunes imaginations comme