Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/57

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qui recevait d’eux et qui leur rendait de rares visites. Les manières franches et ouvertes de ma tante ne lui plaisaient pas beaucoup ; mais elle était trop juste pour ne pas reconnaître le devoûment vrai qu’elle avait eu pour mon père, et les excellentes et solides qualités du mari et de la femme.

J’eus donc le plaisir de demeurer deux ou trois jours avec ma mère et Caroline, dans une intimité de tous les momens. Puis ma pauvre sœur retourna en pleurant à sa pension, où l’on mit, je crois, Clotilde avec elle pendant quelque temps pour la consoler ; et nous partîmes.

Cette portion de l’année 1811 passée à Nohant fut, je crois, une des rares époques de ma vie où je connus le bonheur complet. J’avais été heureuse comme cela rue Grange-Batelière, quoique je n’eusse ni grands appartemens ni grands jardins. Madrid avait été pour moi une campagne émouvante et pénible ; l’état maladif que j’en avais rapporté, la catastrophe survenue dans ma famille par la mort de mon père, puis cette lutte entre mes deux mères, qui avait commencé à me révéler l’effroi et la tristesse, c’était déjà un apprentissage du malheur et de la souffrance. Mais le printemps et l’été de 1811 furent sans nuages, et la preuve, c’est que cette année-là ne m’a laissé aucun souvenir particulier. Je sais qu’Ursule la passa avec moi, que ma mère eut moins de migraines que