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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/581

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qui m’avaient grondée la veille au soir me reconnaissaient et m’accablaient de caresses avec ces airs intelligens et naïfs qui semblent vous demander pardon d’avoir un instant manqué de mémoire.

Vers le soir, Deschartres, qui avait été à je ne sais plus quelle soirée éloignée, arriva enfin, avec sa veste, ses grandes guêtres et sa casquette en soufflet. Il ne s’était pas encore avisé, le cher homme, que je dusse être changée et grandie depuis trois ans, et tandis que je lui sautais au cou, il demandait où était Aurore. Il m’appelait mademoiselle ; enfin, il fit comme mes chiens, il ne me reconnut qu’au bout d’un quart d’heure.

Tous mes anciens camarades d’enfance étaient aussi changés que moi. Liset était loué, comme on dit chez nous. Je ne le revis pas ; il mourut peu de temps après. Cadet était devenu aide valet de chambre. Il servait à table et disait naïvement à Mlle Julie, qui lui reprochait de casser toutes les carafes : « Je n’en ai cassé que sept la semaine dernière. » Fanchon était bergère chez nous. Marie Aucante était devenue la reine de beauté du village. Marie et Solange Croux étaient des jeunes filles charmantes. Pendant trois jours ma chambre ne désemplit pas des visites qui m’arrivaient. Ursule ne fut pas des dernières.

Mais, comme Deschartres, tout le monde m’appelait mademoiselle. Plusieurs étaient intimidés