Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/600

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Il me semblait, dans ce moment-là, que c’était de moi que tu devais apprendre la vérité, et qu’elle te serait plus insupportable de la part de tout autre. Si tu penses que j’aie exagéré quelque chose, ou que j’aie jugé trop durement ta mère, oublie-le, et sache que malgré tout le mal qu’elle m’a fait, je rends justice à ses qualités et à sa conduite depuis la mort de ton pauvre père. D’ailleurs, fût-elle, comme je me le suis imaginé parfois, la dernière des femmes, je comprends ce que tu lui dois d’égards et de fidélité de cœur. Elle est ta mère ! tout est là ! Oui, je le sais. J’ai craint de te voir trop aveuglée, ensuite j’ai craint de te voir devenir trop dévote. Je suis tranquille sur ton compte à présent. Je te vois pieuse, tolérante et conservant les goûts de l’intelligence. Je regrette presque de ne pas croire à tout ce que tu pratiques ; car je vois que tu y puises une force qui n’est pas dans ta nature et qui m’a frappée quelquefois comme au-dessus de ton âge. Ainsi, pendant que tu étais au couvent, enfermée toute l’année, sans vacances, privée de sortir pendant neuf ou dix mois que je passais ici, tu m’as écrit à différentes reprises pour me conjurer de ne pas te permettre de sortir avec les Villeneuve ou avec Mme de Pontcarré. J’en ai été affligée et jalouse d’abord, mais j’en ai été touchée aussi, et maintenant je sens que si je te proposais de rompre avec ta mère pour faire un grand mariage, je révolterais ton