Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/622

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pris au pied de la lettre, c’est une doctrine d’abominable égoïsme. Je m’en aperçus le jour où je le comparai, non avec le Génie du Christianisme, qui est un livre d’art, et nullement un livre de doctrine, mais avec toutes les pensées que ce livre d’art me suggéra. Je sentis qu’il y avait une lutte ouverte en moi, et complète, entre l’esprit et le résultat de ces deux lectures. D’un côté, l’annihilation absolue de l’intelligence et du cœur en vue du salut personnel ; de l’autre, le développement de l’esprit et du sentiment, en vue de la religion commune.

Je relus alors l’Imitation dans l’exemplaire que m’avait donné Marie Alicia, et qui est encore là sous mes yeux, avec le nom, écrit de cette main chérie et vénérée. — Je savais par cœur ce chef-d’œuvre de forme et d’éloquente concision. Il m’avait charmée et persuadée de tous points ; mais la logique est puissante dans le cœur des enfans. Ils ne connaissent pas le sophisme et les capitulations de conscience. L’Imitation est le livre du cloître par excellence, c’est le code du tonsuré. Il est mortel à l’âme de quiconque n’a pas rompu avec la société des hommes et les devoirs de la vie humaine. Aussi avais-je rompu, dans mon âme et dans ma volonté, avec les devoirs de fille, de sœur, d’épouse et de mère ; je m’étais dévouée à l’éternelle solitude en buvant à cette source de béate personnalité.

En le relisant après le Génie du Christianisme,