Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/64

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escorte, au milieu de la foule. La garnison de Paris était de 12,000 hommes !

Pourtant la Russie armait. Bernadotte donnait le signal d’une immense et mystérieuse trahison. Les esprits un peu clairvoyans voyaient venir l’orage. La cherté des denrées frappées par le blocus continental effrayait et contrariait les petites gens. On payait le sucre 6 francs la livre, et, au milieu de l’opulence apparente de la nation, on manquait de choses fort nécessaires à la vie. Nos fabriques n’avaient pas encore atteint le degré de perfectionnement nécessaire à cet isolement de notre commerce. On souffrait d’un certain malaise matériel, et quand on était las de s’en prendre à l’Angleterre, on s’en prenait au chef de la nation, sans amertume il est vrai, mais avec tristesse.

Ma grand’mère n’avait point d’enthousiasme pour l’empereur. Mon père n’en avait pas eu beaucoup non plus, comme on l’a vu dans ses lettres. Pourtant, dans les dernières années de sa vie il avait pris de l’affection pour lui. Il disait souvent à ma mère : « J’ai beaucoup à me plaindre de lui, non pas parce qu’il ne m’a pas placé d’emblée aux premiers rangs ; il avait bien autre chose en tête, et il n’a pas manqué de gens plus heureux, plus habiles et plus hardis à demander que moi : mais je me plains de lui, parce qu’il aime les courtisans, et que ce n’est pas digne d’un homme de sa taille. Pourtant, malgré