Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/680

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ne voyais pas de raison pour m’adresser à lui, qui n’était pas mon directeur et mon père spirituel. Il me semblait donc vouloir usurper sur moi une autorité morale que je ne lui avais pas donnée, et cet essai maladroit, au beau milieu d’un sacrement où je portais tant d’austérité d’esprit, me révolta comme un sacrilége. Je trouvai qu’il avait confondu la curiosité de l’homme avec la fonction du prêtre. D’ailleurs, l’abbé de Prémord, scrupuleux gardien de la sainte innocence des filles, m’avait dit : On ne doit point faire de questions, je n’en fais jamais, et je ne pouvais, je ne devais jamais avoir foi en un autre prêtre que celui-là.

Il m’était impossible de songer à me confesser à mon vieux curé de Saint-Chartier. J’étais trop intime, trop familière avec lui. J’avais trop joué avec lui dans mon enfance ; je lui avais fait trop de niches, et je le sentais aussi incapable de me diriger que je l’étais de m’accuser à lui sérieusement. J’allais à sa messe : en sortant, je déjeûnais avec lui, il essuyait lui-même, bon gré, mal gré, mes souliers crottés. J’étais obligée de lui retenir le bras pour l’empêcher de boire, parce qu’il me ramenait en croupe sur sa jument. Il me racontait ses peines de ménage, les colères de sa gouvernante ; je les grondais tous deux, tour à tour, de leurs mauvais caractères. Il n’y avait pas moyen de changer de pareilles relations, ne