Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/698

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à quelque rixe. Mais ce n’était pas la manière de voir de Deschartres. « Je l’aurais bien voulu ! s’écria-t-il tout malade de n’avoir pas trouvé l’occasion d’éclater ; j’aurais voulu qu’un de ces ânes dît un mot qui me permit de lui casser bras et jambes ! — Bah ! lui dis-je, cela vous aurait forcé à les leur remettre, et vous avez bien assez de besogne sans cela. » Deschartres, exerçant gratis, avait une grosse clientèle.

Ce petit fait nous occupa fort peu l’un et l’autre, mais nous donna lieu de parler de l’opinion, et je pensai, pour la première fois, à me demander quelle importance on devait y attacher. Deschartres, qui était toujours en contradiction ouverte avec lui-même, ne s’en était jamais préoccupé dans sa conduite, et s’imaginait devoir la respecter en principe. Quant à moi, j’avais encore dans l’oreille toutes les paroles sacrées, et celle-ci entre autres : « Malheur à celui par qui le scandale arrive ! »

Mais il s’agissait de définir ce que c’est que le scandale. « Commençons par là, disais-je à mon pédagogue. Nous verrons ensuite à définir ce que c’est que l’opinion. — L’opinion, c’est très vague, disait Deschartres. Il y en a de toutes sortes. Il y a l’opinion des sages de l’antiquité, qui n’est pas celle des modernes ; celle des théologiens, qui n’est que controverse éternelle ; celle des gens du monde, qui varie encore selon les cultes. Il y a l’opinion des ignorans, qu’on doit