Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/734

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

plus tendre encore que celui des prières et des larmes ? Ne croyez-vous pas que de là-haut ils nous voient et sont touchés de la fidélité de nos regrets ? Si vous pensez toujours ainsi, venez avec moi. »

Il était environ une heure du matin. Il faisait une nuit claire et froide. Le verglas, venu par dessus la neige, rendait la marche si difficile, que, pour traverser la cour et entrer dans le cimetière qui y touche, nous tombâmes plusieurs fois.

« Soyez calme, me dit Deschartres toujours exalté sous une apparence de sang-froid étrange. Vous allez voir celui qui fut votre père. » Nous approchâmes de la fosse ouverte pour recevoir ma grand’mère. Sous un petit caveau, formé de pierres brutes, était un cercueil que l’autre devait rejoindre dans quelques heures.

« J’ai voulu voir cela, dit Deschartres, et surveiller les ouvriers qui ont ouvert cette fosse dans la journée ; le cercueil de votre père est encore intact ; seulement les clous étaient tombés. Quand j’ai été seul, j’ai voulu soulever le couvercle. J’ai vu le squelette. La tête s’était détachée d’elle-même. Je l’ai soulevée, je l’ai baisée. J’en ai éprouvé un si grand soulagement, moi qui n’ai pu recevoir son dernier baiser, que je me suis dit que vous ne l’aviez pas reçu non plus. Demain cette fosse sera fermée. On ne la rouvrira sans doute plus que pour vous. Il faut y descendre, il faut baiser cette relique. Ce sera un souvenir pour toute votre vie. Quelque jour,