Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/738

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pendant sa vie, et qui lui avait été rapporté de l’Inde, dans une noix de coco, par M. Dupleix. Il y en avait encore, j’en brûlai encore. J’arrangeai ses fioles comme la dernière fois elle les avait demandées ; je tirai le rideau à demi, comme il avait coutume d’être quand elle le faisait disposer. J’allumai la veilleuse, qui avait encore de l’huile. Je ranimai le feu, qui n’était pas encore éteint. Je m’étendis dans le grand fauteuil, et je m’imaginai qu’elle était encore là, et qu’en tâchant de m’assoupir j’entendrais peut-être encore une fois sa faible voix m’appeler.

Je ne dormis pas, et cependant il me sembla entendre deux ou trois fois sa respiration, et l’espèce de gémissement, de réveil que mes oreilles connaissaient si bien. Mais rien de net ne se produisit à mon imagination, trop désireuse de quelque douce vision pour arriver à l’exaltation qui eût pu la produire.

J’avais eu dans mon enfance des accès de terreur à propos des spectres, et au couvent il m’en était revenu quelques appréhensions. Depuis mon retour à Nohant, cela s’était si complétement dissipé, que je le regrettais, craignant, quand je lisais les poètes, d’avoir l’imagination morte. L’acte religieux et romanesque que Deschartres m’avait fait accomplir la veille était de nature à me ramener les troubles de l’enfance ; mais loin de là, il m’avait pénétrée d’une désespérance absolue de ne pouvoir communiquer directement avec