Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/746

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avec elle. Loin de me prescrire une rupture absolue, il m’encourageait à persister dans ma déférence envers elle. « Seulement, me disait-il, puisque le lien entre vous semble se détendre de lui-même, ne le resserre pas imprudemment, ne lui écris pas plus qu’elle ne paraît le souhaiter et ne te plains pas de la froideur qu’elle te témoigne. C’est ce qui peut arriver de mieux. »

Cette prescription me fut pénible. Malgré tout ce que j’y trouvais de sage, et peut-être de nécessaire au bonheur de ma mère elle-même, mon cœur avait toujours pour elle des élans passionnés, suivis d’une morne tristesse. Je ne me disais pas qu’elle ne m’aimait point : je sentais qu’elle m’en voulait trop d’aimer ma grand’mère pour n’être pas jalouse aussi à sa manière : mais cette manière m’effrayait, je ne la connaissais pas. Jusqu’à ces derniers temps, ma préférence pour elle lui avait été trop bien démontrée.

Quand après quelques mois, et au lendemain de la mort de ma grand’mère, mon cousin Réné revint pour m’emmener, j’étais bien décidée à le suivre. Pourtant l’arrivée de ma mère bouleversa. Ses premières caresses furent si ardentes et si vraies, j’étais si heureuse aussi de revoir ma petite tante Lucie, avec son parler populaire, sa gaîté, sa vivacité, sa franchise et ses maternelles gâteries, que je me flattai d’avoir retrouvé le rêve de bonheur de mon enfance dans la famille de