Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/99

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eur avec un rare talent d’imitation. Il n’y avait rien de plus ridicule, en effet, que Deschartres jouant du flageolet. Cet instrument champêtre était déjà ridicule par lui-même dans les mains d’un personnage si solennel et au milieu d’un visage si refrogné d’habitude. En outre, il le maniait avec une extrême prétention, arrondissant les doigts avec grâce, dandinant son gros corps et pinçant la lèvre supérieure avec une affectation qui lui donnait la plus plaisante figure du monde. C’était dans le menuet de Fischer surtout qu’il déployait tous ses moyens, et Hippolyte savait très bien par cœur ce morceau qu’il ne pouvait venir à bout de lire proprement quand la musique écrite et la figure menaçante de Deschartres étaient devant ses yeux ; mais à force de le contrefaire, il l’avait appris malgré lui, et je crois qu’il ne fit jamais d’autre étude musicale que celle-là.

Ursule, qui était fort sage pendant la leçon, devenait fort turbulente dans les entr’actes. Elle grimpait partout, feuilletait tous les livres, bousculait toutes les pantoufles et toutes les savonnettes, et riait à se rouler par terre de toutes les remarques dénigrantes d’Hippolyte sur la toilette, les habitudes et les manières du pédagogue. Il avait toujours sur les rayons de sa bibliothèque une quantité de petits sacs de graines qu’il expérimentait dans le jardin, rêvant sans cesse au moyen d’acclimater quelque nouvelle plante fourragère, fromentale ou légumineuse dans le département,