Page:Sand - Isidora, 1845.djvu/104

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et moi, quelles que soient les explications que nous ayons à échanger ensemble.

— Pardonnez-moi, Madame, reprit Jacques avec une angoisse mêlée de fermeté. Je ne me chargerai point de cette négociation.

Alice garda le silence ; ce qu’elle souffrait, ce que souffrait Laurent était impossible à exprimer.

— La voilà donc, cette passion cachée qui le dévore, pensait Alice ; voilà la cause de sa tristesse, de son découragement, de son abnégation, de son éternelle rêverie ? Il a aimé cette femme dangereuse, il l’aime encore. Oh ! comme son nom le bouleverse ! comme l’idée de la revoir le charme et l’épouvante !

On annonça que le dîner était servi, et Laurent prit son chapeau pour s’esquiver.

— Non, monsieur Laurent, lui dit Alice en posant sa main sur son bras, avec un de ces mouvements de courage désespéré qui ne viennent qu’aux émotions craintives, vous dînerez avec nous ; j’ai à vous parler.

Ce ton d’autorité blessa le pauvre Jacques. Sa position subalterne, comme on se permet d’appeler dans les familles aristocratiques le rôle sacré de l’être qui se consacre à la plus haute de toutes les fonctions