Page:Sand - Isidora, 1845.djvu/13

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qui travaille aux champs, au grand air, ne s’inquiète pas de la misère et du désespoir qui ronge la population laborieuse des villes. Il n’y croit pas ; il calcule le salaire, il voit qu’en fait c’est lui qui gagne le moins, et il ne tient pas compte du dénûment de celui qui est forcé de dépenser davantage pour sa consommation. Ah ! s’il voyait, comme je les vois à présent, ces horribles rues noires de boue, où se reflète la lanterne rougeâtre de l’échoppe ! S’il entendait siffler ce vent qui, chez nous, plane harmonieusement sur les bois et sur les bruyères, mais qui jure, crie, insulte et menace ici, en se resserrant dans les angles d’un labyrinthe maudit, et en se glissant par toutes les fissures de ces toits glacés ! S’il sentait tomber sur ses épaules, sur son âme, ce marteau de plomb que le froid, la solitude et le découragement nous collent sur les os !

Le bonheur, dit-on, rend égoïste… Hélas ! ce bonheur réservé aux uns au détriment des autres doit rendre tel, en effet. Ô mon Dieu ! le bonheur partagé, celui qu’on trouverait en travaillant au bonheur de ses semblables, rendrait l’homme aussi grand que sa destinée sur la terre, aussi bon que vous-même !

Je fuyais les heureux, craignant de ne trouver en