Page:Sand - Isidora, 1845.djvu/159

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que moi, et sur les lèvres desquelles le discours venait de lui-même s’arranger à propos du moindre objet de négoce ou du moindre récit de l’événement du quartier. Les Parisiennes ont particulièrement cette faculté oratoire, cette propension à énoncer leur pensée sous des formes pittoresques ou littéraires et avec une pantomime animée, gracieuse ou plaisante, minaudière ou passionnée, emphatique ou naïve. Isidora était une de ces enfants du peuple de Paris, une de ces mobiles et saisissantes imaginations qui se répandent en expressions aussi vite qu’elles s’impressionnent. Elle avait donné à son propre esprit, par la lecture et le spectacle des arts, une éducation recherchée, brillante et presque solide, dans les loisirs de la richesse ; et l’élocution facile qu’elle avait eue pour la répartie mutine et l’apostrophe mordante, elle l’avait conservée, pour l’analyse de ses sentiments et le récit de ses émotions passionnées. Jacques avait déjà été frappé de cette éloquence féminine, déjà il en avait subi diversement l’influence, lorsqu’elle avait été tour à tour la divine Julie et l’audacieux domino de l’Opéra. Il se sentit de nouveau sous le charme, et ce ne fut pas sans une terreur mêlée de plaisir. Il ne se piquait pas d’être un stoïque, et son amour pour