Page:Sand - Isidora, 1845.djvu/160

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Alice n’ayant jamais reçu d’encouragement, n’ayant pu nourrir aucune espérance, n’était pas un préservatif à l’épreuve du feu d’une passion expansive et provocante comme l’était celle d’Isidora. Nous essaierions en vain de faire deviner l’expression de sa physionomie si calme et si hautaine à l’habitude, si puissante de persuasion lorsqu’elle révélait tout à coup des orages cachés ; ni les accents de sa voix éteinte dans les discours sans intérêt, flexible, saccadée, pénétrante, déchirante dans l’abandon du désespoir et de l’amour. Jacques sentit qu’il tremblait, qu’il avait alternativement chaud et froid, qu’il retombait sous l’empire de la fascination, et Isidora qui, par instants, jetait ses bras autour de lui avec ivresse et les retirait avec crainte, sentit, elle aussi, que Jacques perdait la tête.

Et pourtant, hélas ! tout ce qu’elle venait de lui dire était-il bien vrai ? Sincère, oui ; mais véridique, non. Qu’elle crût, dans cet instant, ne rien raconter que d’historique dans sa vie, et que dans sa vie il y eût, depuis trois ans, beaucoup de rêveries, de regrets et d’élans vers ce pur amour de Jacques, unique, en effet, dans ses souvenirs, par sa nature confiante et naïve, rien de plus certain ; qu’elle eût été fidèle au comte de S***, quelle eût désiré se réhabiliter