Page:Sand - Isidora, 1845.djvu/161

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par le mariage, par besoin d’honneur plus que par désir d’une fortune assurée, cela était encore vrai ; mais qu’elle ne se fût pas laissé distraire un seul instant de la passion de Jacques par les jouissances du faste, qu’elle l’eût quitté dans le seul dessein de ne pas le rendre malheureux, plutôt que pour n’être pas honteusement délaissée par Félix ; qu’enfin, elle n’eût songé qu’à Jacques en se faisant épouser, et que l’amour des richesses certaines n’eût pas été mêlé, à l’insu d’elle-même, au désir ambitieux d’un titre et d’une vaine considération ; voilà ce qui n’était qu’à moitié vrai. Il ne faut pas oublier qu’il y avait une bonne et une mauvaise puissance, agissant, à forces égales, sur l’âme naturellement grande mais fatalement corrompue de cette femme. En revoyant Jacques, elle retrouva toute la poétique et brûlante énergie du roman qu’elle avait caressé en secret dans sa pensée depuis trois ans ; secret tour à tour douloureux et charmant, selon la disposition de son âme impressionnable et changeante, et qui l’avait aidée, en effet, à vivre sagement, mais qui n’eût pas été suffisant pour une telle réforme de conduite, sans l’espérance et la volonté de dominer et de soumettre le comte de S***. Alors elle se plut à s’expliquer à elle-même sa propre vie par ce miracle