Page:Sand - Isidora, 1845.djvu/173

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se cachait soigneusement. Lorsqu’elle fut assez près de la maison pour qu’il pût distinguer sa physionomie, il remarqua avec étonnement qu’elle était calme, pâle, il est vrai, comme l’aube, mais aussi sereine, et à peine altérée par la fatigue d’une si solennelle et si étrange veillée. Et, cependant, que n’avait-il pas fallu souffrir pour remporter une telle victoire sur soi-même !

— Oh ! quelle femme êtes-vous donc ? s’écria Jacques intérieurement, quand il lui eut entendu doucement refermer la porte vitrée de son boudoir ; quelle énigme vivante, quelle âme céleste nourrie des plus hautes contemplations, ou quel cœur à jamais brisé par un morne désespoir ? Vous n’aimez pas, non, vous n’aimez pas, car vous semblez ne pouvoir pas souffrir ; mais vous avez aimé, et vous vivez peut-être d’un souvenir du mort !

Et Jacques ne se doutait pas que ce mort c’était lui.

— J’ai aimé ! pensait Alice en se déshabillant avec lenteur et en s’étendant sur sa couche chaste et sombre.

Jacques fut bien abattu et bien préoccupé durant la leçon du matin qu’il donnait ordinairement avec tant de zèle et d’amour au fils d’Alice. Il s’en fit, des reproches. Nos fautes ont ainsi toutes sortes de retentissements