Page:Sand - Isidora, 1845.djvu/215

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trat social !… Eh bien, oui, je prétendais, comme tant d’autres, instruire et corriger mes semblables, et je n’ai pu ni m’instruire ni me corriger moi-même. Heureusement mon livre n’a pas été fini ; heureusement il n’a point paru ; heureusement je me suis aperçu à temps que je n’avais pas reçu d’en haut la mission d’enseigner, et que j’avais tout à apprendre. Je n’ai pas grossi le nombre de ces écoliers superbes, qui, tout gonflés des leçons de leurs maîtres s’en vont endoctrinant le siècle, sans porter en eux-mêmes la lumière et la force qu’ils aspirent à répandre ! Cela m’a sauvé d’un ridicule aux yeux d’autrui. Mais, à mes propres yeux, en suis-je purgé ?

Triste cœur, tu es mécontent de toi-même dans le passé, parce que tu es honteux de toi-même dans le présent. Et pourtant tu valais mieux, en effet, alors que tu te croyais meilleur. Tu étais sincère, tu n’avais rien à combattre ; tu aimais le beau avec passion ; tu te nourrissais de contemplations idéales ; tu le croyais de la race des fanatiques… Tu ne te savais pas faible ; tu ne savais pas que tu ne savais pas souffrir !…