Page:Sand - Isidora, 1845.djvu/223

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

céleste ; c’est le besoin inassouvi de l’idéal et non le dégoût impie et insolent des joies de la terre. Tu n’as abusé de rien, toi ! tu mériterais le bonheur. Quel est donc l’insensé qui ne l’a pas compris, ou l’infâme qui te le refuse ? Si je le connaissais, j’irais le chercher au bout du monde, pour l’amener à tes pieds ou pour le tuer !… Je suis fou !… Et toi, tu es si calme !




I. — Non, je ne suis pas de ces êtres stupides et orgueilleux qui se lassent du bonheur. Si j’avais le bonheur, je le savourerais comme jamais homme ne l’a savouré. Je ne me défends pas d’aimer. Je livre mon être et ma vie à quelqu’un qui ne veut pas ou ne peut pas s’en emparer : voilà tout. L’amour est un échange d’abandon et de délices ; c’est quelque chose de si surnaturel et de si divin, qu’il faut une réciprocité complète, une fusion intime des deux âmes ; c’est une trinité entre Dieu, l’homme et la femme. Que Dieu en soit absent, il ne reste plus que deux mortels aveugles et misérables, qui luttent en vain pour entretenir le feu sacré, et qui l’éteignent