Page:Sand - Isidora, 1845.djvu/80

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presque insaisissables ; ces lèvres qui parlent si peu ont quelquefois un tremblement nerveux, comme si elles refoulaient une pensée ardente ; cette poitrine si belle et si froide a comme des tressaillements mystérieux. Puis tout cela s’efface avant qu’on ait pu l’étudier, avant qu’on puisse dire si c’est une aspiration violentée par la prudence, ou quelque bâillement de profond ennui étouffé par le savoir-vivre.

Revenue depuis peu de jours de la campagne, elle revoyait ses parents pour la première fois depuis six mois environ. Ils avaient remarqué qu’elle était changée, amincie, pâlie extrêmement, et que sa gravité ordinaire avait quelque chose d’une nonchalance chagrine.

— Ma nièce, lui disait sa vieille tante la marquise, la campagne ne vous a point profité cette année. Vous y êtes restée trop longtemps, vous y avez pris de l’ennui.

— Ma chère, disait une cousine fort laide, vous ne vous soignez pas. Vous montez trop à cheval ; j’en suis sûre, vous lisez la soir, vous vous fatiguez. Vos lèvres sont blêmes et vos yeux cernés.

— Ma cousine, ajoutait un jeune fat, frère de la précédente, il faut vous remarier absolument. Vous