Page:Sand - Isidora - Narcisse (Levy).djvu/278

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fondes, fraîches et riches, s’étend un plateau uni, triste, malsain et pauvre : c’est la Brenne.

Si vous regardez la Brenne figurée sur les vieilles cartes enluminées de Cassini, la physionomie d’une contrée si sauvage vous serrera le cœur ; pas de chemins, pas de villages, des espaces immenses sans un clocher, sans une ferme, sans un bosquet. Partout des étangs semés à l’infini dans la bruyère. Les nouvelles cartes départementales ne la montrent guère plus florissante.

Cependant la Brenne n’est ni aussi laide, ni aussi morte qu’elle le paraît dans ses portraits. Pour les yeux du peintre ou du romancier, cette rase terre, inondée en mille endroits, cette folle végétation d’herbes inutiles, qui s’engraissent dans le limon, ne manquent pas de caractère. Il y a même une certaine poésie de désolation dans ces plaines de roseaux desséchés par la canicule. On se croirait loin, bien loin de la France, dans quelque désert où l’homme n’aurait point encore pénétré. Si l’on peut trouver un tertre, un donjon, le château du Bouchet, par exemple, et que la vue parvienne à planer sur une grande étendue de terrain, cela est aussi beau, dans son genre, que nos tableaux chéris de l’Indre, de la Creuze ou de la Bouzanne.

HABITANTS RICHES ET PAUVRES.

Pour la vie de château, la Brenne est une terre promise. Il y a là de riches manoirs, de vastes espaces à parcourir pour la chasse, ou à fertiliser par la culture, du gibier en abondance et de gros revenus… plus gros en réalité que ceux de nos terres grasses, dont la moindre parcelle se vend au poids de l’or et ne peut fructifier en raison de sa valeur numéraire. Il y a en Brenne un magnifique avenir pour les riches : car les améliorations commencent à porter leurs fruits, et quiconque veut y