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jean ziska.

bien dans cette divine création qu’on appelle l’humanité, l’effort constant de la vérité contre le mensonge, du juste contre l’injuste. Les crimes, quoique innombrables, ne passent pas inaperçus. Les contemporains qui nous en ont transmis le récit lugubre en gémissent avec partialité, il est vrai, mais avec énergie. Chacun pleure ses partisans et ses amis, chacun maudit et réprouve les forfaits d’autrui ; mais chacun se venge, et le droit des représailles semble être un droit sacré chez ces farouches chrétiens qui ne croient pas au bienfait terrestre de la miséricorde. On discute ardemment la justice des causes, on n’examine jamais celle des moyens ; cette dernière notion ne semble pas être éclose. La philosophie que le dix-huitième siècle a prêchée sous le nom de tolérance, a été le premier étendard levé sur le monde pour guider vers la charité chrétienne les esprits du catholicisme. Jusque-là le catholicisme prêche avec le bourreau à sa droite et le confesseur à sa gauche, et alors même que la tolérance s’efforce de lui faire congédier le tourmenteur, le catholicisme résiste, menace, anathématise, brûle les écrits de Jean-Jacques Rousseau, traite Voltaire d’antéchrist, et fait une scission éclatante, éternelle peut-être avec la philosophie.

Ainsi donc, au quinzième siècle, la guerre, partout la guerre. La guerre est le développement inévitable de l’unité sociale et de l’éducation religieuse. Sans la guerre, point de nationalité, point de lumière intellectuelle, pas une seule question qui puisse sortir des ténèbres. Pour échapper à la barbarie, il faut que notre race lutte avec tous les moyens de la barbarie. Le combat ou la mort, la lutte sanguinaire ou le néant ; c’est ainsi que la question est invinciblement posée. Acceptez-la, ou vous ne trouvez dans l’histoire de l’humanité qu’une nuit profonde, dans l’œuvre de la Providence que caprice et mensonge.