Page:Sand - Jean Ziska, 1867.djvu/181

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auguste et sacré. Ne m’attribue pas des pensées qui n’ont jamais souillé mon âme. Tu m’as bien assez outragé en me rendant, au sortir du sein maternel, l’instrument de la haine, le complice de l’imposture et de la fraude. Faut-il que je vive sous le poids d’un mensonge éternel, d’un vol que les lois puniraient avec la dernière ignominie !

LE PRÉCEPTEUR.

Gabriel ! Gabriel ! vous parlez à votre aïeul !…

LE PRINCE.

Laissez-le exprimer sa douleur et donner un libre cours à son exaltation. C’est un véritable accès de démence dont je n’ai pas à m’occuper. Je ne vous dis plus qu’un mot, Gabriel : entre le sort brillant d’un prince et l’éternelle captivité du cloître, choisissez ! Vous êtes encore libre. Vous pouvez faire triompher mes ennemis, avilir le nom que vous portez, souiller la mémoire de ceux qui vous ont donné le jour, déshonorer mes cheveux blancs… Si telle est votre résolution, songez que l’infamie et la misère retomberont sur vous le premier, et voyez si la satisfaction des plus grossiers instincts peut compenser l’horreur d’une telle chute.

GABRIEL.

Assez, assez, vous dis-je ! Les motifs que vous attribuez à ma douleur sont dignes de votre imagination, mais non de la mienne… (Il s’assied et cache sa tête dans ses mains.

LE PRÉCEPTEUR, bas au prince.

Monseigneur, il faudrait en effet le laisser à lui-même quelques instants ; il ne se connaît plus.

LE PRINCE, de même.

Vous avez raison. Venez avec moi, monsieur l’abbé.

LE PRÉCEPTEUR, bas.

Votre altesse est fort irritée contre moi ?