Page:Sand - Jean Ziska, 1867.djvu/253

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maux inévitables. Je les avais prévus dès le premier jour, et je ne t’aurais fait pressentir, pour rien au monde, ce qui t’arrive aujourd’hui. Le mal éclate toujours assez tôt.

ASTOLPHE.

Ô Gabrielle ! tu as entendu ses invectives contre toi !… Si toute autre que ma mère eût proféré la centième partie…

GABRIELLE.

Calme-toi ! tout cela ne peut m’offenser ; je saurai le supporter avec résignation et patience. N’ai-je pas dans ton amour une compensation à tous les maux ? et pourvu que tu trouves dans le mien la force de subir toutes les misères attachées à notre situation…

ASTOLPHE.

Je puis tout supporter, excepté de te voir avilie et persécutée.

GABRIELLE.

Ces outrages ne m’atteignent pas. Vois-tu, Astolphe, tu m’as fait redevenir femme, mais je n’ai pas tout à fait renoncé à être homme. Si j’ai repris les vêtements et les occupations de mon sexe, je n’en ai pas moins conservé en moi cet instinct de la grandeur morale et ce calme de la force qu’une éducation mâle a développés et cultivés dans mon sein. Il me semble toujours que je suis quelque chose de plus qu’une femme, et aucune femme ne peut m’inspirer ni aversion, ni ressentiment, ni colère. C’est de l’orgueil peut-être ; mais il me semble que je descendrais au-dessous de moi-même, si je me laissais émouvoir par de misérables querelles de ménage.

ASTOLPHE.

Oh ! garde cet orgueil, il est bien légitime… Être adoré ! tu es plus grand à toi seul que tout ton sexe réuni. Rapportes-en l’honneur à ton éducation si tu veux ; moi,