Page:Sand - Jean Ziska, 1867.djvu/317

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ou en éloquence philosophique, perd toute sa puissance, et l’on ne termine pas froidement l’œuvre qu’on a commencée dans la fièvre. Je sens que je n’ai plus en moi les moyens de persuader Astolphe, car je sens que le but du ma vie n’est plus de le persuader. Son âme est tombée au-dessous de la mienne ; si je la relevais, ce serait mon ouvrage. Je l’aimerais peut-être comme vous m’aimez ; mais je ne serais plus prosternée devant l’être accompli, devant l’idéal que Dieu avait créé pour moi. Sachez, mon ami, que l’amour n’est pas autre chose que l’idée de la supériorité de l’être qu’on possède, et, cette idée détruite, il n’y a plus que l’amitié.

LE PRÉCEPTEUR.

L’amitié impose encore des devoirs austères ; elle est capable d’héroïsme, et vous ne pouvez abjurer dans le même jour l’amour et l’amitié !

GABRIEL.

Je respecte votre avis. Cependant vous m’accorderez le reste de la nuit pour réfléchir à ce que vous me demandez. Donnez-moi votre parole de ne point informer Astolphe du lieu de ma retraite.

LE PRÉCEPTEUR.

J’y consens, si vous me donnez la vôtre de ne point quitter Rome sans m’avoir revu. Je reviendrai demain matin.

GABRIEL.

Oui, mon ami, je vous le promets. L’heure est avancée, les rues sont mal fréquentées, permettez que Marc vous accompagne.

LE PRÉCEPTEUR.

Non, mon enfant, cette nuit de carnaval tient la moitié de la population éveillée ; il n’y a pas de danger. Marc a probablement fini par s’endormir. N’éveillez pas ce bon vieillard. À demain ! que Dieu vous conseille !…