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jean ziska.

vaisselle de terre, votre maigre repas, et le bétail dont on vous a confié la garde, et les armes dont on vous a munis contre nous, à mes soldats, à mes enfants ; car ils sont l’épée flamboyante de l’ange, ils sont la trompette du jugement dernier. Ils viennent pour punir vos maîtres et briser votre joug. Vous leur devez secours et assistance, amour et respect. » Le serf était souvent sourd à ce langage, et répondait : « Si vous venez de la part de Dieu, respectez au moins le prochain. Vous nous compromettez auprès de nos maîtres ; vous nous ruinez. Vous êtes trop nombreux pour vivre de notre pain ; vous ne l’êtes pas assez pour nous défendre quand les prêtres et les seigneurs viendront nous accabler. Retirez-vous, ou bien nous nous défendrons, nous vous traiterons comme des brigands. »

De là des luttes sanglantes ; des villages, des villes mêmes qui n’avaient pas reçu les troupes impériales et qui n’avaient pas fait profession de foi catholique, furent réduites en cendres, horriblement saccagées et les habitants massacrés, parce qu’ils avaient refusé de marcher à la défense du pays. Ces terribles exécutions militaires assurèrent les desseins de Ziska. Tous les récalcitrants énergiques furent anéantis. Tous ceux qui se rendirent grossirent l’armée taborite. Ruinés, détachés de tout lien avec l’ancienne société, réduits à errer en mendiants sur une terre dévastée, ils n’eurent plus d’autre refuge que Tabor, cette cité étrange où, après avoir accompli des œuvres de sang, une société nouvelle se retirait pour prier avec enthousiasme, et pour pratiquer avec une sainte ferveur la loi d’une égalité fraternelle et d’une communauté idéale. « La maison est brûlée, disait Ziska, mais le temple est ouvert. La famille est dispersée par le glaive, qu’elle se reforme sous la parole de Dieu. Ici les veuves trouveront de nouveaux époux, et les orphelins