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jean ziska.

des pères plus sages et des appuis plus sûrs que ceux qu’ils ont perdus. » C’est ainsi que, de gré ou de force, il entraîna les populations à sa suite. Il commençait par leur envoyer ses prêtres, et quand leur prédication avait échoué, il arrivait avec ses implacables sommations et ses sentences vengeresses. En peu de temps l’agriculture fut détruite, l’industrie paralysée ; les champs devinrent stériles, les bourgades où l’ennemi eût pu se reposer des monceaux de ruines, les bois et les montagnes peuplés d’invisibles défenseurs, chaque buisson du chemin une tanière pour le partisan aux aguets. Les seigneurs catholiques n’osaient plus sortir de leurs châteaux. Les garnisons impériales se tenaient muettes et consternées derrière leurs remparts. Prague et les villes royales se demandaient avec effroi ce qu’elles allaient devenir, et se perdaient en discussions Idéologiques, ou en propositions d’accommodement avec la couronne sans oser se défendre. La Bohême était ruinée. Sigismond riait de sa détresse et ne se pressait pas d’arriver, pensant que les divers partis allaient lui aplanir le chemin en s’entre-dévorant. Mais Tabor était riche, Tabor se fortifiait. L’armée de Tabor grossissait tous les jours et s’endurcissait au métier des armes. Et quand le juste-milieu se plaignait à Ziska du dommage qu’il lui avait causé, Ziska montrait Tabor et disait : « Le salut est là, faites-vous Taborites. Vous ne voulez pas souffrir, vous autres ? Nous voulons bien combattre pour vous ; mais le moins qu’il en puisse arriver, c’est que votre repos et votre bien-être en soient un peu troublés. Faites comme nous, ou laissez-nous faire. »

Tel fut le rôle de Ziska. Un temps arriva où tous le comprirent et plièrent sous sa volonté, fanatiques et tièdes, Taborites et Calixtins. Mais n’anticipons pas sur les événements, et suivons un peu la marche des premières luttes.