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Sigismond entra en Bohême, à la tête de cent quarante mille hommes, commandés par l’électeur de Brandebourg, les deux marquis de Misnie, l’archiduc d’Autriche et les princes de Bavière. Il fut bien reçu à Kœnigsgratz, ville catholique et royaliste, apanage des reines de Bohême, où il avait toujours tenu de fortes garnisons. Tous les seigneurs catholiques de la Moravie et de la Silésie venaient derrière lui. Tous ceux de la Bohême allèrent à sa rencontre. Ulric de Rosenberg, qui jusqu’alors avait été uni à Ziska, soit que le meurtre et la ruine de ses parents l’eussent aigri contre les Taborites, soit que l’empereur eût réussi à le gagner, comme le fait est assez prouvé, soit enfin que son esprit fût frappé d’une épouvantable vision qu’il eut à cette époque, et dans laquelle il vit Jésus-Christ, Jean Huss, saint Wenceslas et saint Adalbert lui apparaître dans une fantasmagorie tragique, alla abjurer le hussitisme entre les mains du légat du pape, et rejoindre l’empereur avec cinq cents cavaliers. Son premier exploit fut d’enlever une ville hussite et d’en raser les murailles ; mais, ayant été défier Ziska au pied du mont Tabor, il y fut reçu et taillé en pièces par Nicolas de Hussinetz. Ainsi, il rejoignit l’empereur non en vainqueur mais en fugitif ; et ce premier fait d’armes malheureux fut d’un mauvais augure pour l’armée impériale.

Cette formidable armée manquait précisément de l’union et de l’idée qui faisaient la force des Hussites. Les princes qui la commandaient s’étaient fait de mortelles injures, et fraîchement réconciliés pour cette expédition, ne s’en haïssaient pas moins. L’empereur les méprisait tous assez volontiers, eux et leurs sujets. Il avait un profond dédain pour les Moraves, les Silésiens, les Hongrois, enfin pour tous ceux de la race slave. Quant aux hordes de mercenaires qui faisaient le gros de l’armée, on