Page:Sand - Jean de la Roche (Calmann-Levy SD).djvu/93

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jour, aussitôt que je pouvais lui parler sans témoins :

— Eh bien, lui disais-je en lui prenant la main, commencez-vous à m’aimer un peu ?

— Oui, un peu, répondait-elle avec un mélancolique sourire.

— Aujourd’hui un peu plus qu’hier ?

— Peut-être ; il me semble…

Et elle me parlait de nos parents. La santé de son père la préoccupait sans relâche. Dix fois par jour, elle me quittait pour aller le trouver. Elle revenait triste, en me disant :

— Je le dérange, je l’ennuie. Il est si bon, qu’il ne me rebute jamais ! Il fait tout ce que le médecin a ordonné, mais je vois bien qu’il ne peut pas me faire un plus grand sacrifice.

Malgré de si tendres soins, M. Butler fut tout à coup très-malade, et cette circonstance, qui devait m’empêcher de voir Love, au moins pendant quelques jours, nous rapprocha intimement. Je m’installai avec résolution au chevet du malade. Je ne le quittai ni jour ni nuit. Je le soignai comme si j’eusse été son fils. Peu m’importait de brûler mes vaisseaux en pure perte. Je l’aimais pour lui-même, cet homme excellent, plein de résignation dans la souffrance et de gratitude pour le dévouement que je lui montrais. D’ailleurs, je ne pouvais pas, je ne voulais pas aban-