Page:Sand - Journal d’un voyageur pendant la guerre.djvu/97

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ailleurs d’excellents amis. Je regrette ceux que je quitte avec une tendresse effrayée, presque pusillanime. Il semble à présent, quand on s’éloigne pour quelques semaines, qu’on s’embrasse pour la dernière fois, et comme il est dans la nature de regretter les lieux où l’on a souffert, je regrette le vieux manoir, le dur rocher, le torrent sans eau, le triste horizon des pierres jaumâtres, le vent qui menace de nous ensevelir sous les ruines, les oiseaux de nuit qui pleurent sur nos têtes, et les revenants qui auraient peut-être fini par se montrer.


La Châtre, 9 octobre.


J’ai quitté mes hôtes le cœur gros. Je n’ai jamais aimé comme à présent ; j’avais envie de pleurer. Ils sont si bons, si forts, si tendres, ces deux êtres qui ne voulaient pas nous laisser partir ! Leur courage, leurs beaux moments de gaieté nous soutenaient : — Leur famille et la nôtre ne faisaient qu’une, les enfants étaient