Page:Sand - Lélia, édition Dupuy-Tenré, 1833, tome 1.djvu/302

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réfugiais dans le sein de Dieu. J’allais l’invoquer dans le silence des champs. Je me plaisais à y rester des jours, des mois entiers, absorbée dans une pensée d’avenir meilleur. Aujourd’hui me voilà si usée, que l’espoir même ne me soutient plus. Je crois encore parce que je désire ; mais cet avenir est si loin, et cette vie ne finit pas ! Quoi ! est-il impossible de s’y attacher et de s’y plaire ? Tout est-il perdu sans retour ? Il y a des jours où je le crois, et ces jours-là ne sont pas les plus cruels ; ces jours-là je suis anéantie. Le désespoir est sans aiguillon, le néant sans terreurs. Mais les jours où, avec un souffle tiède de l’air, un rayon pur du matin, se réveille en moi une velléité d’existence, je suis le plus infortuné des êtres. L’effroi, l’anxiété, le doute me rongent. Où fuir ? où me réfugier ? Comment sortir de ce marbre qui, selon la belle expression du poëte, me monte jusqu’aux genoux, et me retient enchaînée comme le sépulcre retient les morts ?