Page:Sand - Lélia, édition Dupuy-Tenré, 1833, tome 1.djvu/303

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Eh bien ! souffrons ! cela vaut mieux que de dormir. Dans ce désert pacifique et muet, la souffrance s’émousse, le cœur s’appauvrit, Dieu, rien que Dieu, c’est trop, ou trop peu ! Dans l’agitation de la vie sociale, ce n’est pas une compensation suffisante, une consolation à notre portée. Dans l’isolement, c’est une pensée trop immense : elle écrase, elle effraie, elle fait naître le doute. Le doute s’introduit dans l’ame qui rêve, la foi descend dans l’aine qui souffre.

Et puis j’étais habituée à ma souffrance. C’était ma vie, c’était ma compagne, c’était ma sœur ; cruelle, implacable, sans pitié, mais fière, mais assidue, mais toujours escortée de stoïque résolution et d’austères conseils.

Reviens donc, ô ma douleur ! Pourquoi m’as-tu quittée ? Si je ne puis avoir d’autre amie que toi, du moins je ne veux pas te perdre. N’es-tu pas mon héritage et mon lot ? C’est par toi seul que l’homme et grand.