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Page:Sand - Lélia, édition Dupuy-Tenré, 1833, tome 1.djvu/304

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S’il pouvait être heureux dans ce monde d’aujourd’hui, s’il pouvait traverser d’un front serein et voir d’un œil tranquille la laideur du genre humain qui l’entoure, il ne serait pas plus que cette foule stupide et lâche, qui s’enivre dans le crime et s’endort dans la fange. C’est toi, ô douleur sublime, qui nous rappelles au sentiment de notre dignité, en nous faisant pleurer sur l’égarement des hommes ! C’est toi qui nous mets à part, et nous places, brebis du désert, sous la main du pasteur céleste qui nous regarde, nous plaint, en attendant peut-être qu’il nous console !

Oh ! l’homme qui n’a pas souffert n’est rien ! C’est un être incomplet, une force inutile, une matière brute et sans valeur, que le ciseau de l’ouvrier brisera peut-être en essayant de la façonner. Aussi j’estime Sténio moins que toi, Trenmor, quoique Sténio n’ait pas un vice et que tu les aies eus tous. Mais toi, rude acier, Dieu t’a fondu dans la fournaise ardente ; et, après t’avoir tordu