Page:Sand - Lélia, édition Dupuy-Tenré, 1833, tome 1.djvu/346

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— C’est vrai, dit Lélia d’un air sombre.

— D’ailleurs, reprit la courtisane, qu’importe la honte à une ame vraiment forte ? Savez-vous, Lélia, que cette puissance de l’opinion devant laquelle les ames qu’on appelle honnêtes sont si serviles, savez-vous qu’il ne s’agit que d’être faible pour s’y soumettre, qu’il faut être fort pour lui résister ? Appelez-vous vertu un calcul d’égoïsme si facile à faire et dans lequel tout vous encourage et vous récompense ? Comparez-vous les travaux, les douleurs, les héroïsmes d’une mère de famille à ceux d’une prostituée ? Quand toutes deux sont aux prises avec la vie, pensez-vous que celle-là mérite plus de gloire, qui a eu le moins de peine ?

Mais quoi, Lélia ! mes discours ne te font donc plus frémir comme autrefois ? Tu ne me réponds rien ? Ce silence est affreux. Lélia, tu n’es donc plus rien ! Te voilà donc effacée comme un pli de l’onde, comme un nom écrit sur le sable ? Ton noble sang ne se soulève