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Page:Sand - Lélia, édition Dupuy-Tenré, 1833, tome 1.djvu/345

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ses ! Pauvre Pulchérie, voilà ton maître, voilà ton Dieu, voilà ton amant ! Ce peuple, tout ce peuple qui bruit et qui pue là-bas ! Tu as trouvé le plaisir dans ses embrassemens ; tu vois bien, ma pauvre sœur, que tu es plus vile que la poussière de ses pieds !

— Je le sais, dit la courtisane, en passant sa main sur son front d’airain comme pour en chasser un nuage ; mais moi, braver la honte, c’est ma vertu ; c’est ma force, comme la vôtre est de l’éviter ; c’est ma sagesse, vous dis-je, et elle me mène à mon but, elle surmonte des obstacles, elle survit à des angoisses toujours renaissantes, et pour prix du combat, j’ai le plaisir. C’est mon rayon de soleil après l’orage, c’est l’île enchantée où la tempête me jette, et, si je suis avilie, du moins je ne suis pas ridicule. Être inutile, Lélia, c’est être ridicule ; être ridicule, c’est pis que d’être infâme ; ne servir à rien dans l’univers, c’est plus méprisable que de servir aux derniers usages.