Page:Sand - Lélia, édition Dupuy-Tenré, 1833, tome 1.djvu/351

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— Je me rappelle bien tout, répondit Lélia. Tu suivais d’un œil attentif tous ces voyageurs déjà effacés dans la brume du couchant. À peine pouvais-tu distinguer leurs vêtemens et leur attitude ; mais tu te prenais de prédilection ou de dédain pour chacun d’eux, selon qu’il descendait la colline avec audace ou précaution. Tu riais sans pitié du cavalier prudent qui mettait pied à terre pour traîner par la bride sa monture incertaine et paresseuse. Tu applaudissais de loin à celui qui, d’un trot ferme et soutenu, affrontait les dangers du versant rapide. Une fois je me souviens que je te repris sévèrement pour avoir, dans un transport d’admiration, agité ton mouchoir pour encourager un jeune fou qui se lançait au grand galop, et qui deux ou trois fois soutint vigoureusement son cheval près de rouler dans le ravin.

— Et pourtant il ne pouvait ni me voir ni m’entendre, reprit Pulchérie. Vous étiez indignée, vous ma sœur farouche, de l’intérêt