Page:Sand - Lélia, édition Dupuy-Tenré, 1833, tome 1.djvu/86

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plaisir de faire du bien à un malheureux est trop chèrement acheté par les malédictions de la foule. Est-ce votre calcul ? est-ce votre sentiment, Sténio ?

N’avez-vous pas pleuré chaque fois que vous avez lu dans l’histoire d’Angleterre le trait de cette jeune fille qui, voyant marcher à la mort le roi Charles Ier, fendit la presse des curieux indifférens, et ne sachant quel témoignage d’intérêt lui donner, pauvre et simple enfant qu’elle était, lui offrit une rose qu’elle avait à la main ; une rose pure et suave comme elle, une rose que son amant peut-être lui avait donnée, et qui fut le seul, le dernier témoignage d’affection et de pitié que reçut un roi marchant au supplice ? N’êtes-vous pas touché aussi, dans la sublime histoire du lépreux d’Aoste, de l’action naturelle et simple du narrateur qui lui tend la main ? Pauvre lépreux, qui n’avait pas touché la main de son semblable depuis tant d’années, et qui eut tant de peine à refuser cette main