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Page:Sand - Lélia, édition Dupuy-Tenré, 1833, tome 1.djvu/99

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pris les grands poëtes dont je m’étais approché ; c’était peut-être beaucoup pour un homme aussi avide et aussi incapable de se comprendre lui-même que je l’étais. Le calme de l’ame enfanta la poésie, comme il avait enfanté la pensée d’un Dieu ami. Que de trésors m’eussent été à jamais refusés sans le bienfait de ces cinq ans de pénitence et de recueillement ! L’agonie du bagne fut pour moi ce qu’à une ame plus douce et plus flexible eût été la paix du cloître.

J’avais souvent désiré la solitude. Aux jours des angoisses et des remords sans fruit, j’avais essayé de fuir la présence de l’homme ; mais en vain avais-je parcouru une partie du monde : la solitude me fuyait, l’homme ou ses influences inévitables, ou son despotique pouvoir sur toute la création, m’avaient poursuivi jusqu’au sein du désert. Au bagne, je trouvai cette solitude si précieuse et si vainement cherchée. Au milieu de tout ce vice et de tout ce crime en haillons qui