Page:Sand - Lélia, édition Dupuy-Tenré, 1833, tome 2.djvu/185

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

étouffer l’instinct du cœur, le discernement de l’esprit.

Ô honte ! honte et douleur ! Je croyais que les baisers de cette femme me trouveraient aussi froid que le marbre. Je croyais que mon cœur se soulèverait de dégoût en l’approchant, et j’ai été heureux auprès d’elle, et mon ame s’est dilatée en possédant ce corps sans ame !

C’est moi qui suis méprisable, et c’est Dieu que je hais, et vous aussi, vous, le phare et l’étoile qui m’avez fait connaître l’horreur de ces abîmes, non pour m’en préserver, mais pour m’y précipiter ; vous, Lélia, qui pouviez me fermer les yeux, m’épargner ces hideuses vérités, me donner un plaisir dont je n’aurais pas rougi, un bonheur que je n’aurais pas maudit et détesté ! Oui, je vous hais comme mon ennemi, comme mon fléau, comme l’instrument de ma perte. Vous pouviez au moins prolonger mon erreur et m’arrêter encore quelques jours aux portes de