Page:Sand - Lélia, édition Dupuy-Tenré, 1833, tome 2.djvu/23

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

de notre organisation, et comme la clef de voûte de notre architecture intellectuelle. C’est Dieu qui a couronné son œuvre de cette pensée vague, douloureuse, mais infinie et sublime ; c’est la condition d’inquiétude et de malaise qu’il nous a imposée en nous élevant au-dessus des autres créatures animées. — Vous surpasserez la force du chameau, l’habileté du castor, nous a-t-il dit ; mais vous ne serez jamais satisfaits de vos œuvres, et au-dessus de votre Éden terrestre vous chercherez toujours la flottante promesse d’un séjour meilleur. Allez, vous vous partagerez la terre, mais vous désirerez le ciel ; vous serez puissans, mais vous souffrirez.

— Eh bien ! s’il en est ainsi, dit Pulchérie, souffrez en silence, priez à genoux, attendez le ciel, mais résignez-vous devant les maux de la vie. Ressentir la souffrance imposée par le Créateur, ce n’est pas là toute la tâche de l’homme : il s’agit de l’accepter. Crier sans cesse et maudire le joug, ce n’est pas le porter.